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Rapport Finat IER

19 décembre 2005

Fiches de synthèse du rapport final

RAPPORT FINAL de l’IER

Fiches de synthèse du rapport final

La réparation

Les recommandations

Etablissement de la vérité et détermination des responsabilités

La réparation

L’IER a ouvert, instruit et pris des décisions concernant 16 861 dossiers individuels sur la base des demandes reçues.

Les indemnisations

L’IER a pris les décisions suivantes : 9280 victimes bénéficieront d’une indemnisation dont I895 victimes ont fait l’objet en outre d’une recommandation supplémentaire portant sur d’autres modalité de réparation (réintégration dans la fonction publique, régularisation de situations administratives ou professionnelles, etc.) En outre, 1499 victimes, ayant déjà bénéficié, entre I999 et 2003, d’indemnisation de la part de l’Instance indépendante d’arbitrage, ont fait l’objet de la part de l’IER de recommandations particulières concernant d’autres formes de réparation.
L’IER aura ainsi positivement répondu aux demandes de réparation de 9779 victimes.

Ces décisions concernent des victimes des violations suivantes :
  disparition forcée,
  détention arbitraire suivie ou non de procès, ou suivie d’une exécution capitale,
  décès, blessures et détention arbitraire durant les émeutes urbaines
  exil forcé
  violences sexuelles

Six critères ont été retenus par l’IER pour fonder ses décisions : la privation de liberté, la spécificité de la disparition forcée (violation complexe portant atteinte à tous les droits humains dont le droit à la vie), les conditions de détention ou de séquestration, la torture et tous autres traitements inhumains, dégradants ou cruels, les séquelles physiques et psychiques, la perte des opportunités et le manque à gagner, estimé de manière forfaitaire et égale entre les victimes.

Dans toutes ses décisions, l’IER a tenu particulièrement compte de l’approche genre, en prenant en considération les souffrances particulières des femmes victimes des violations des droits humains.

La réhabilitation médicale et psychique

Durant son mandat, l’IER a mis en place une unité médicale d’accueil et de soutien pour les catégories de victimes nécessitant une intervention urgente. Elle a en outre procédé à une analyse des dossiers de près de 9 000 demandeurs ayant fait état dans leurs dossiers de maladies suite à une violation.
L’IER préconise dans ses recommandations
  l’extension de la couverture médicale obligatoire à toutes les victimes identifiées par l’IER et leurs ayants droit,
  la prise en charge immédiate et personnalisée de près de 50 victimes souffrant de séquelles graves et chroniques,
  la création d’un dispositif permanent d’orientation et d’assistance médicale des victimes de la violence et de la maltraitance.

La réparation communautaire

Partant du constat que certaines régions et communautés considèrent avoir souffert collectivement, de manière directe ou indirecte, des séquelles des crises de violence politique et des violations qui s’en sont suivies, l’IER a accordé une place particulière à la réparation communautaire. Elle a ainsi :
  organisé ou participé à des séminaires dans diverses villes et régions (Figuig, Al Hoceïma, Errachidia, Khénifra, Marrakech, etc.),
  tenu un forum national sur la réparation, en présence de plus de 200 associations, une cinquantaine d’experts nationaux et internationaux,
  procédé à de nombreuses réunions de concertation tant avec des acteurs de la société civile que les pouvoirs publics.

L’IER préconise dans ce domaine l’adoption et le soutien de nombreux programmes de développement socio-économique et culturel en faveur de plusieurs régions et groupes de victimes (notamment les femmes) dans plusieurs villes (Casablanca) et régions dont le Rif, la région de Figuig, Tazmamart, Agdez-Zagora, le Moyen Atlas, ...

L’IER recommande particulièrement la reconversion d’anciens centres illégaux de détention (Tazmamart, Agdez, Derb Moulay Chérif à Casablanca, ...). Des mesures en ce sens sont d’ores et déjà en cours d’exécution. Ainsi, la caserne située près de Tazmamart a été évacuée par l’armée, alors que l’opération des habitants de l’immeuble, dont le rez-de-chaussée était utilisé comme centre de Derb Moulay Chérif est en cours.

Les recommandations

Afin de garantir la non répétition des violations graves des droits de l’homme et de consolider le processus de réformes dans le quel le pays s’est inscrit, l’IER a émis une série de recommandations portant notamment sur des réformes constitutionnelles, la mise en œuvre d’une stratégie nationale de lutte contre l’impunité et le suivi des recommandations.

I- La consolidation des garanties constitutionnelles des droits humains, notamment par l’inscription des principes de primauté du droit international des droits de l’homme sur le droit interne, de la présomption d’innocence et du droit à un procès équitable,... L’IER recommande par ailleurs le renforcement du principe de la séparation des pouvoirs, et l’interdiction constitutionnelle de toute immixtion du pouvoir exécutif dans l’organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire.
Elle recommande d’expliciter dans le texte constitutionnel, la teneur des libertés et droits fondamentaux, relatifs aux libertés de circulation, d’expression, de manifestation, d’association, de grève..., ainsi que des principes tels que le secret de la correspondance, l’inviolabilité du domicile et le respect de la vie privée.
L’IER recommande en outre de renforcer le contrôle de la constitutionnalité des lois et des règlements autonomes ressortant de l’Exécutif, en prévoyant dans la constitution le droit d’un justiciable à se prévaloir d’une exception d’inconstitutionnalité d’une loi ou d’un règlement autonome.
A l’instar de l’interdiction constitutionnelle déjà ancienne du parti unique, L’IER recommande enfin la prohibition de la disparition forcée, la détention arbitraire, le génocide et autres crimes contre l’humanité, la torture et tous traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, et l’interdiction de toutes les formes de discrimination internationalement prohibées, ainsi que toute forme d’incitation au racisme, à la xénophobie, à la violence et à la haine.

II- L’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie nationale intégrée de lutte contre l’impunité. L’IER estime que l’éradication de l’impunité exige, outre des réformes juridiques, l’élaboration et la mise en place de politiques publiques dans les secteurs de la justice, de la sécurité et du maintien de l’ordre, de l’éducation et de la formation permanente, ainsi qu’une implication active de l’ensemble de la société. Cette stratégie doit avoir pour fondement le droit international de droits de l’Homme, en procédant à l’harmonisation de la législation pénale avec les engagements internationaux du pays, et ce :
  En intégrant dans le droit interne les définitions, les qualifications et les éléments constitutifs des crimes de disparition forcée, de torture et de détention arbitraire.
  En reprenant la définition de la responsabilité et des sanctions encourues telle que définie dans les instruments internationaux
  En faisant obligation à tout membre du personnel civil ou militaire chargé de l’application de lois de rapporter toute information concernant les dits crimes, quelle qu’en soit l’autorité commanditaire
  En renforçant de manière significative la protection des droits de victimes et des voies de recours.

III- L’IER considère que la consolidation de l’état de droit exige en outre des réformes dans le domaine sécuritaire, de la justice, de la législation et de la politique pénales. Ainsi, elle recommande notamment :

  1. La gouvernance des appareil sécuritaires, qui exige notamment la mise à niveau, la clarification et la publication des textes réglementaires relatifs aux attributions, à l’organisation, aux processus de décision, aux modes d’opération et aux systèmes de supervision et d’évaluation de tous les appareils de sécurité et de renseignement, sans exception, ainsi que des autorités administratives en charge du maintien de l’ordre public ou ayant le pouvoir de recourir à la force publique.

  1. Le renforcement de l’indépendance de la justice, qui passe, outre les recommandations d’ordre constitutionnel, par la révision par une loi organique du statut du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). L’IER recommande à cet égard de confier la présidence du CSM par délégation au Premier président de la Cour suprême, l’élargissement de sa composition à d’autres secteurs que la magistrature, ...

  1. La mise à niveau de la législation et de la politique pénale, qui exige le renforcement des garanties de droit et de procédure contre les violations des droits de l’homme, la mise en œuvre des recommandation du Colloque national sur la politique pénale tenu à Meknès en 2004, une définition des violences contre les femmes conforme aux normes internationales, la mise en œuvre des recommandations du CCDH concernant les établissements pénitentiaires (élargissement des prérogative du juge de l’application de peines, recours à des peines alternatives, ...)

IV- Les mécanismes de suivi. Au terme de son mandat, l’IER considère que les questions suivantes doivent faire l’objet de procédures et de mécanismes de suivi :
  l’exécution des décisions relatives à l’indemnisation et le suivi de la mise en œuvre des autres modalités de réparation dont la réhabilitation médicale et psychique des victimes, les programmes de réparation communautaire
  la mise en œuvre des recommandations relatives à l’établissement de la vérité concernant les cas non encore élucidés,
  la mise en œuvre des recommandations de réformes formulées par l’IER
  la préservation des archives de l’IER et des archives publiques

Etablissement de la vérité et détermination des responsabilités

Etablissement de la vérité et détermination des responsabilités

Considérant que la période couverte par le mandat de l’IER est la plus longue qu’une commission de la vérité ait eu à traiter (43 ans), que les crises de violence politique qui ont occasionné des violations graves des droits de l’Homme sont de nature très variée et ont impliqué de nombreux acteurs étatiques, et parfois non étatiques, et l’absence d’une documentation fiable et de travaux académiques sur certains épisodes de l’histoire du temps présent au Maroc, le travail de l’IER en matière d’établissement de la vérité a pris plusieurs formes.

Les auditions publiques des victimes, diffusées sur les médias publics, les centaines de témoignages enregistrés et conservés dans les archives de l’Instance, les colloques académiques et les dizaines de séminaires organisés par l’IER ou ONG de toutes natures ont permis d’amplifier le débat public pluraliste et serein sur près d’un demi-siècle de l’histoire nationale. Ces activités ont permis aussi d’avancer de manière considérable dans l’établissement de la vérité sur plusieurs épisodes de cette histoire et types de violations, restés jusque là marqués par le silence, le tabou ou la rumeur, dont notamment, la question des disparitions forcées.

Cette notion a en effet couvert dans le débat national sur la question des droits de l’Homme plusieurs catégories de personnes dont le sort est demeuré inconnu. Afin de clarifier cette situation, l’IER a adopté une méthodologie de travail en deux phases parallèles.

  Les enquêtes de terrain : qui ont notamment comporté des entretiens systématiques avec les familles des personnes portées disparues, le recueil de témoignages d’anciens disparus « réapparus » libérés, des visites de constatation in situ et d’enquête dans les anciens lieux de détention ou de séquestration et l’audition d’anciens gardiens ayant exercé dans ces lieux.

  La recherche documentaire et l’examen des archives : L’IER a ainsi rassemblé et analysé l’ensemble des documents disponibles au niveau national et international (listes, sites web, rapports, etc. ) faisant référence, à un titre ou un autre à des cas de disparition (listes des ONG marocaines, listes fournies par Amnesty International, documents du Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires -GTDFI-, ...) et procédé à l’examen des réponses des forces de sécurité et, dans les cas de violations survenues dans les contextes de conflit armé, de celles de l’armée ainsi que les documents disponibles du Comité international de la Croix Rouge (CICR).

Au terme de ce travail d’audition, de recoupement des sources et d’examen des réponses reçues de la part des autorités, l’IER a abouti aux résultats suivants.

L’IER a localisé avec précision les lieux de sépulture et déterminé l’identité de 89 personnes décédées en cours de séquestration à Tazmamart (31), Agdez (32), Kal’at Mgouna (16), Tagounite (8), Gourrama (1) et près du barrage Mansour Ad-Dahbi (1).

L’IER a localisé les lieux de sépulture et déterminé l’identité de 11 personnes décédées lors d’affrontements armés dont un groupe de 7 personnes décédés en 1960 (Groupe Barkatou et Moulay Chafii) et un autre de 4 personnes en 1964 (Groupe Cheikh Al Arab).

Les investigations de l’IER ont permis de déterminer que 325 personnes, considérées pour certaines comme faisant partie de la catégorie des disparus, sont en réalité décédées lors des émeutes urbaines de 1965, 1981, 1984 et 1990, du fait d’un usage disproportionné de la force publique lors de ces événements. Ce chiffre global se décompose ainsi : 50 victimes durant les événements de Casablanca en 1965 ; 114 durant les événements de 1981 à Casablanca et 112 à Fès en 1990. Pour les événements de 1984, l’IER a abouti au chiffre global de 49 victimes réparties comme suit : 13 victimes décédées à Tétouan, 4 à Ksar El Kébir, 1 à Tanger, 12 à Al Hoceïma, 16 à Nador et les localités avoisinantes, 1 à Zaïo et 2 à Berkane. Une source médicale a indiqué à l’IER que le chiffre global des victimes à Casablanca en 1981 est de 142. Cette information reste à vérifier. L’IER a pu déterminer dans certains cas et l’identité et le lieu d’inhumation des victimes, dans d’autres les lieux d’inhumation sans parvenir à préciser l’identité des victimes, et enfin dans certaines circonstances l’identité des victimes sans aboutir à localiser les lieux d’inhumation. A une exception (Casablanca, 1981), l’IER a pu constater que les victimes avaient été enterrées nuitamment, dans des cimetières réguliers, en l’absence des familles, sans que le parquet ne soit saisi ou n’intervienne.

L’IER a par ailleurs pu déterminer que 173 personnes sont décédées en cours de détention arbitraire ou de disparition, entre 1956 et 1999, dans des centres de détention tels que Dar Bricha, Dar Al Baraka, Tafnidilte, Courbiss, Derb Moulay Chérif, etc.), mais n’a pu déterminer les lieux d’inhumation. 39 cas relèvent des événements des premières années de l’indépendance, impliquant pour partie la responsabilité d’acteurs non étatiques. Les années 1970 ont enregistré le nombre le plus élevé de décès (109 cas) alors que les décennies suivantes ont connu une nette régression : 9 cas pour les années 1980 et 2 cas pour les années 1990.

Dans le contexte du conflit dans les provinces du sud, les investigations de l’IER ont permis de clarifier le sort de 211 personnes présumées disparues. 144 d’entre elles sont décédées durant ou à la suite d’accrochages armés. Pour 40 d’entre elles, les identités, les lieux de décès et d’inhumation, ont été déterminés. Pour 88 autres, si l’identité a pu être déterminée et le lieu de décès localisé, les lieux de sépulture ne sont pas encore connus. 12 personnes décédées n’ont pu être identifiées, alors que 4 autres, blessées, arrêtées et hospitalisées sont décédées dans les hôpitaux et ont été enterrés dans des cimetières localisés. Enfin, 67 personnes présumées disparues ont été reconduites à Tindouf en Algérie par l’intermédiaire du Comité international de la Croix Rouge en date du 31 octobre 1996.

En conclusion :
  Les investigations de l’IER ont permis d’élucider 742 cas, toutes catégories confondues ;
  l’IER a acquis la conviction que soixante-six (66) autres cas de victimes qu’elle a analysé rassemblent les éléments constitutifs de la disparition forcée et considère que l’Etat a l’obligation de poursuivre les investigations entamées par ses soins, afin d’élucider leur sort. Les investigations menées par l’IER ont permis de progresser vers cette élucidation. Il reste à tirer profit de l’expérience accumulée et des éléments, témoignages et indices rassemblés, et qui font partie des archives de l’IER.

Ceci étant, des difficultés ont entravé la recherche de la vérité, parmi lesquelles, figurent notamment la fragilité de certains témoignages oraux auxquels l’Instance a remédié par le recours à des sources écrites, l’état déplorable de certains fonds d’archives nationales quand elles existent, la coopération inégale des appareils de sécurité, l’imprécision de certains témoignages d’anciens responsables et le refus d’autres de contribuer à l’effort d’établissement de la vérité.

Au terme de ses travaux, l’Instance estime qu’un progrès significatif a été enregistré, entre janvier 2004 et novembre 2005, quant au degré d’établissement de la vérité sur les graves atteintes aux droits de l’Homme qu’a connu le Maroc.

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Rapport Finat IER
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